La véritable odyssée du saumon

Dans un billet précédent, je vous présentais “Cosmos, l’Odyssée du Saumon”, espace didactique dédié à la présentation du saumon et à ses migrations. (cliquez ici pour lire l’article)

Nous allons aujourd’hui descendre d’un étage et découvrir “Cosmos” pour “Conservatoire du Saumon mosan” le lieu où le Service de la Pêche de la Région wallonne élève et revalide des saumons.

La salle avec les bacs d’élevage (© J. Wagener)

Nous en profiterons pour découvrir ainsi l’incroyable vie de ce poisson mythique.

Enfilez votre maillot et plongeons à sa rencontre. Attention, l’eau est froide !

© H-P Fjeld

Le saumon atlantique (Salmo salar) Zalm (en néerlandais) appartient à la famille des salmonidés comme la truite.

Autrefois très abondant dans nos rivières, il était considéré comme le poisson des pauvres. Des contrats passés entre employés et employeurs précisaient le nombre maximum de jours où les travailleurs en recevraient.

Il a disparu des rivières au début du XXe siècle, victime de la surpêche, de la pollution mais surtout des barrages l’empêchant de remonter les cours d’eau vers les zones de frai. Le saumon possède en effet la particularité, après des migrations de plusieurs milliers de kilomètres, des rivières à l’océan et retour, de pouvoir retrouver, grâce à son odorat (entre autres), la rivière où il est né, on appelle cela le “homing”. C’est un poisson anadrome : il vit en mer et se reproduit en eau douce.

© T. Bjørkan

Tout débute donc au début du printemps lorsque les premiers saumons adultes (de 50 à 110 cm pour 1,5 à 12 kg) remontent les rivières jusqu’aux frayères où ils se reproduiront à l’automne. L’endroit choisi est toujours une gravière (lit de gravier) dans une rivière peu profonde avec une eau bien oxygénée. Les femelles préparent un nid en creusant le substrat à l’aide de leur nageoire caudale. Elles vont y pondre des milliers d’œufs (+/- 1800 œufs par kilo de poids vif) que les mâles arrosent de leur semence. La grande aventure commence.

Actuellement, ce scénario n’est pas encore possible chez nous.

C’est entre autres pour préparer ce retour que s’activent, au Conservatoire du Saumon mosan (Cosmos), les agents du Service de la Pêche dans le cadre du programme « Saumon-Meuse ».

Les saumons adultes, revenant de leur séjour en mer, sont capturés à Lixhe lors de leur passage dans les « échelles à poissons », dispositif leur permettant de contourner des obstacles sur les cours d’eau. En 2015, 70 ont ainsi été capturés. Ces géniteurs, prélevés dans les passes à poissons, sont ramenés à Erezée pour les reproduire artificiellement et ainsi obtenir de nombreux tacons.  Ceux-ci sont très important « génétiquement » car ils proviennent de parents qui ont fait tout le cycle biologique complet en « évitant » les prédateurs mais également les obstacles tant à la dévalaison qu’à la montaison.

© U.S. Fish and Wildlife Service Northeast Region

En automne, période habituelle de ponte pour cette espèce, les techniciens prélèvent les œufs des femelles et la laitance des mâles. Ceux-ci sont mélangés et placés dans des incubateurs où ils feront l’objet d’un suivi minutieux (élimination des œufs non fécondés p.e.).

Retrouvons nos œufs en milieu naturel. Bien enfouis dans le gravier et oxygénés par l’eau de la rivière, ils vont ainsi passer l’hiver jusqu’à leur éclosion en mars/avril. Dans ces conditions, on considère qu’entre la ponte et l’éclosion, le taux de survie est de seulement 10 % ! Les nombreuses pertes sont dues notamment à la prédation.

© U. Kils

Les alevins naissent avec un sac vitellin qui va leur permettre de se nourrir durant leurs premières semaines dans la gravière.

A Cosmos, c’est pareil (ou presque). Nés dans les incubateurs, ils vont être placés dans des bacs avec un substrat artificiel ou naturel (gravier) qui leur permet de ne pas devoir nager dans le courant et perdre ainsi de l’énergie.

La salle d’incubation et la surveillance des alevins par Monsieur Neus, responsable de Cosmos (© Y. Neus, J. Wagener)

Le sac vitellin épuisé, les alevins quittent l’abri des graviers, se positionnent face au courant et commencent à se nourrir (larves d’insectes, …).

Les alevins se positionnent face au courant (© J. Wagener)

A la salmoniculture, ils seront élevés dans des bacs avant d’être relâchés en rivière lorsqu’ils mesureront de 3 à 5 cm. Ces tacons, comme on les appelle à ce stade, vont ainsi grandir et rester plusieurs années en rivière (de deux jusqu’à six dans les rivières très froides du nord de l’Europe ou du Canada)

Tacons (© U.S. Fish and Wildlife Service Northeast Region)

Après deux à trois ans (parfois plus), les jeunes saumons (tacons) vont se transformer. Leur couleur va virer vers l’argenté et, surtout, des changements physiologiques importants vont les préparer à l’eau de mer. Il s’agit d’un phénomène appelé smoltification. La smoltification dépend de la taille du saumon et non de son âge. Le saumon a donc un cycle variable pour la durée de son séjour en eau douce. Une bimodalité des tailles existe chez les tacons de même âge et ce sont les individus au rythme de croissance élevé qui se transformeront le plus rapidement.

Smolt (© J. Wagener)

Au printemps, les smolts (leur nouveau nom) vont tourner le dos au courant (dès que la température de l’eau atteindra une dizaine de degrés) et entreprendre leur grand voyage vers l’océan. Celui-ci les emmènera dans l’Atlantique nord au large de la Norvège, de l’Islande ou du Groenland. Les smolts élevés à Cosmos seront ainsi déversés dans la Meuse pour rejoindre leurs cousins sauvages.

Après un séjour d’un à quatre ans en milieu marin où leur poids va doubler chaque année, ce sera le moment pour eux de prendre le chemin du retour et de regagner la rivière qui les a vus naître. La boucle est bouclée !

Dans la nature, en milieu non perturbé (pas de pollution, pas de barrages, …), on considère que, par couple de reproducteurs, seuls deux saumons parviendront à rejoindre la frayère et s’y reproduire !

Le sex-ratio au retour est d’environ 60 % de femelles pour 40 % de mâles.

Le saumon atlantique a la particularité, pour un petit nombre d’individus, de pouvoir recommencer le cycle migratoire plusieurs fois. La plupart des adultes par contre (95 %) meurent après la reproduction. A Cosmos, la perte post-reproduction s’élève à environ 50 % des reproducteurs. Actuellement, 28 saumons qui se sont reproduits sont en revalidation.

La « revalidation » est une opération très délicate car ces poissons, depuis qu’ils ont entamé leur homing, ont arrêté de manger et donc pour certains individus, depuis de nombreux mois. Elle consiste à « réapprendre » à manger au saumon à l’aide d’une baguette au bout de laquelle on met un éperlan ou une crevette. Les individus qui auront la faculté de remanger pourront ainsi en quelques mois retrouver une bonne masse corporelle et donner à l’automne suivant une deuxième reproduction.

Cadeau pour les lecteurs de l’aplovou : le premier saumon de l’année capturé à Lixhe le 8 avril. Il mesure 96 cm et pèse 7,3 kg. Une belle bête !

© Y. Neus

A voir également dans la galerie photos, un déversement de 5400 smolts dans l’Ourthe par les agents du Service de la Pêche le 16 mars dernier.

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Et pour ceux qui veulent aller plus loin, je vous rappelle que RIVEO organise toujours des visites de l’espace didactique “Cosmos – L’Odyssée du Saumon”. Attention uniquement sur réservation à : RIVEO.

Bibliographie :

GUEGEN Jacques et PROUZET Patrick. Le saumon atlantique : biologie et gestion de la ressource. Institut français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer, Ifremer, 1994, 332 pages

MAISON WALLONNE DE LA PECHE. Le saumon atlantique Salmo salar.

MAISON WALLONNE DE LA PECHE. Fiche-poisson. [en ligne] http://www.maisondelapeche.be/Fr/Fiche-poisson—Le-saumon-atlantique_90_1.html

WIKIPEDIA. Saumon atlantique. [en ligne] https://fr.wikipedia.org/wiki/Saumon_atlantique

SAUMON-MEUSE. [en ligne] http://www.saumon-meuse.be

Crédit photo :

Hans-Petter Fjeld (Own work)

CC BY-SA 2.0], via Wikimedia Commons”>Thomas Bjørkan from Brønnøysund, Norway (Jumping salmon 1) 

U.S. Fish and Wildlife Service Northeast Region

Uwe Kils (Travail personnel)

E. Peter Steenstra/U. S. Fish and Wildlife Service – Northeast Region (Flickr) [Public domain], via Wikimedia Commons

Yvan Neus

Jacques Wagener